8 avril 2012

Après le NIMBY, l'ère du BIMBY ?

Vous avez sans doute entendu parler du syndrome NIMBY (Not In My Backyard, "pas dans ma cour"), par lequel on tolère très bien les nuisances nécessaires au fonctionnement de notre ville moderne (routes, aéroports, antennes relais de téléphonie mobile, usines d'incinération des déchets, etc.), mais chez les autres ! Si les excès des NIMBY (le terme désigne aussi bien le phénomène que les personnes chez qui il se manifeste) sont connus et bien documentés, ce terme est parfois utilisé à tort par les autorités ou les professionnels pour discréditer toute opposition ou toute proposition alternative, parfois légitime, venant des habitants.

C'est précisément l'inverse que se propose de faire le projet BIMBY (Build In My Backyard, "construis dans ma cour"), tout en s'attaquant à un des problèmes les plus épineux de l'urbanisme contemporain : la densification des tissus pavillonnaires. Ce projet de recherche, regroupant collectivités locales, CAUE, écoles d'architecture et laboratoires de recherche et co-piloté par deux CETE, a été sélectionné en 2009 par l'ANR dans le cadre de l'appel à projets "villes durables".
Simon Boudvin, Semi-collectif, 2003
Exemple de densification pavillonnaire - Crédit : BIMBY

Concrètement, le projet vise à mobiliser le foncier "caché" des zones pavillonnaires, par un patient travail de terrain visant à encourager, maîtriser et canaliser les initiatives individuelles. Il s'agit donc à la fois de définir des règles d'urbanisme adéquates et de conseiller les particuliers, en ciblant les "bons moments" (vente d'une maison par exemple).

Les arguments mis en avant sont nombreux : fabrication d'un habitat individuel, répondant aux aspirations de la population (cf. les 80% de français qui ne rêveraient que de ça...), à étalement urbain nul, sans maîtrise foncière et à moindre coût pour la collectivité... De plus, l'habitant - maître d'ouvrage est plus impliqué dans la définition de son logement et fait plus volontiers appel à de petites entreprises locales de construction, soit tout le contraire de la promotion classique... Enfin, le propriétaire qui divise sa parcelle puis la densifie (ou l'inverse d'ailleurs, qui est généralement plus intéressant) fait une bonne affaire car la somme des valeurs des parcelles divisées est généralement supérieure à la valeur de la parcelle initiale.

Les recherches réalisées dans le cadre du projet tendent à montrer que le phénomène se rencontre déjà spontanément sous certaines conditions : existence d'un minimum de pression foncière, règles d'urbanisme lâches, vieillissement de la population... La démarche BIMBY vise à l'ériger en politique urbaine.
Elle se heurte toutefois à des quelques freins que nous a récemment rappelés le géographe Michel Lussault lors de la "conversation métropolitaine" organisée le 5 avril 2012 par l'Atelier International du Grand Paris sur le thème "Le Grand Paris face au pavillonnaire" :
- Le pavillonnaire est un système peu gouverné, c'est-à-dire que la gouvernance y fait défaut : point de syndicat de copropriétaires qui pourrait débattre des évolutions du lotissement. Comment dans ce cas faire accepter collectivement des décisions individuelles qui impactent le quartier tout entier ?
- La maison individuelle (plus d'ailleurs que l'appartement) est souvent vue comme un élément important dans la constitution d'un patrimoine familial transmissible à ses enfants. Même si c'est une bonne affaire sur le papier, diviser et vendre revient dans la tête des propriétaires à dilapider ce capital !

En parallèle de la recherche, certaines communes, comme Tremblay-sur-Mauldre ou Les Essarts-Le-Roi (toutes deux dans les Yvelines), ont d'ores et déjà testé la démarche dans le cadre de la modification de leur PLU. Il est toutefois encore trop tôt pour mesurer son effet réel sur l'évolution des tissus pavillonnaires.

Reste également qu'un tissu pavillonnaire, même densifié, ne répond pas forcément à tous les enjeux de la ville durable : proximité des transports en commun, mixité fonctionnelle, "intensité urbaine" (une expression à la mode...) continueront à faire défaut dans bien des cas.
Cf. le site web du projet de recherche BIMBY
Cf. également l'excellent travail de 5 étudiants de l'Ecole d'architecture de la ville et des territoires de Marne-la-Vallée, s(t)imulation pavillonnaire