19 février 2012

L'arbre et le hollandais flottant

Koen Olthuis, fondateur de l'agence Waterstudio.NL, a de la suite dans les idée. Celui qui se surnomme lui-même le "hollandais flottant" dessine depuis 10 ans des bâtiments, voire des villes entières, qui flottent sur l'eau (c'est-à-dire le plus souvent sur pilotis). Dans le contexte des Pays-Bas, qui cherchent à expérimenter la "dépoldérisation" face à la montée du niveau des mers, c'est-à-dire une nouvelle façon d'occuper leur territoire ne se basant plus uniquement sur une stratégie de défense (et de défiance) vis à vis de l'eau, cela peut avoir du sens. Dans le contexte de Dubai, cela donne des choses plus douteuses, comme un chapelet d'îles artificielles en forme de poème arabe - projet évidemment arrêté par la crise.


Son dernier projet est assez surprenant puisqu'il s'éloigne un peu de son idéal, qui est d'amener l'homme à habiter sur l'eau. Il s'agit d'un "arbre" artificiel, grosse structure flottante (on ne se refait pas) destinée à devenir un sanctuaire de biodiversité, à la fois sous et au-dessus de l'eau, à quelques encablures des côtes urbaines. L'homme n'y est pas le bienvenu - mais résistera-t-on longtemps avant de proposer à quelques happy fews fortunés la visite d'un objet aussi extraordinaire ?
Un Sea Tree au large d'une mégalopole (c) Waterstudio.NL

Le plus étonnant est le montage juridique et financier annoncé. Les compagnies pétrolières sont invitées à donner un Sea Tree à une ville en gage de leur engagement environnemental. La ville fournit le terrain (sous-marin donc gratuit ou presque), la compagnie pétrolière reste propriétaire de l'objet. L'architecte compare son arbre à une City App, que l'on peut rajouter à la ville comme on rajoute une application sur son smartphone. A 4,5 millions de dollars pièce, on est tout de même loin du prix moyen d'une appli sur iPhone ! La métaphore n'est pas très heureuse : rien de plus simple à désinstaller qu'une application...

L'objet ne manque pas d'élégance formelle et les intentions sont extrêmement louables. On se demande quand même quel intérêt les compagnies pétrolières pourraient avoir à investir une telle somme au coeur de nos cités. Et si, pour le même prix, elles ne feraient pas mieux de sanctuariser des sites fragiles ou menacés à proximité ou en dehors des villes - à 10$/m² par exemple, on peut sanctuariser 45 ha pour le prix d'un Sea Tree...

Reste un grand mystère : s'agit-il d'un projet utopique ou d'une vraie commande destinée à être réalisée. Le site web de l'agence annonce un client "non révélé" et une date de livraison en janvier 2014. Affaire à suivre...