Cette récente hype fait écho à l’enthousiasme exprimé dans la foulée du Grenelle lorsque la voiture électrique a été propulsée comme solution d’avenir pour une mobilité décarbonée (ou déjà moins carbonée). Ainsi, un véhicule électrique nécessite un surcoût moyen à l’achat de 30% pour un coût d’entretien 30% inférieur et un coût de l’énergie 6 fois inférieur. Le démarrage de la voiture électrique fut néanmoins plus poussif qu’attendu/espéré (ErDF a ainsi dû revoir à la baisse ses prévisions concernant le parc de véhicules électriques à l’horizon 2020). L’une des explications données à ce démarrage poussif était la barrière psychologique due à la peur de la panne. Les acheteurs potentiels restaient réticents devant l’autonomie limitée des véhicules combinée à une peur de ne pouvoir recharger du fait du faible nombre de bornes de recharge. L’une des leçons à tirer de ce semi-échec est bien qu’il n’y aura pas de mobilité électrique sans réseau dense de points de charge.
Qu’entend-on par points de charge ?
Il existe 3 types de
bornes de recharge :
- Les bornes dites « normales » (de 3kVA) qui permettent de recharger une batterie en 8h.
- Les bornes dites « accélérées » (de 3 à 22kVA) qui délivrent une puissance variable en fonction des disponibilités sur le réseau et qui permettent de recharger totalement une batterie automobile en environ 4h.
- Les bornes dites de « recharge ultra rapide » (de 43kVA) permettant de recharger son véhicule en environ 30 minutes.
Des exemples encourageants
Une étude
récente sur le comportement des utilisateurs de véhicules électriques
confirme bien cette barrière psychologique. Ainsi 88% d’entre eux se branchent
chez eux mais plus de la moitié considère d’une grande importance
l’installation de bornes supplémentaires sur l’espace public. De même,
l’exemple japonais de l’autoroute reliant Nagoya à Tokyo est
symptomatique : l’installation de 4 bornes supplémentaires (passées de 2 à
6 sur les 350 km que dure le trajet) a permis de multiplier par plus de 2 le
nombre d’utilisateurs de véhicules électriques sur cet autoroute (ainsi la
proportion d’abonnés auprès de l’opérateur de charge dans l’aire régionale et
utilisant cet autoroute est passé de 19% à 46%).
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Une réglementation... et des initiatives allant
dans ce sens
Un certain nombre
d’actions et de réglementation ont permis ou du moins visé à favoriser le
développement du véhicule électrique :
Le plan national d’actions pour les véhicules propres (octobre 2009)
Le plan national d’actions pour les véhicules propres (octobre 2009)
Ce plan identifiait et proposait 14 actions
concrètes en faveur du véhicule propre (électrique et hybride rechargeable)
parmi lesquelles l’emblématique super bonus pour les véhicules écologiques mais
également des mesures adoptées plus tard telle que le droit à la prise.
L’article 57 de la loi Grenelle II (2010)
L’article 57 de la loi Grenelle II (2010)
Cet article confie aux communes ainsi qu’à leurs groupements la compétence du déploiement et de l’entretien des infrastructures de recharge nécessaires à l’usage des véhicules électriques et hybrides rechargeables, en cas de carence de l’initiative privée sur ce champ d’activité (« offre inexistante, insuffisante ou inadéquate »).
Décret d’application de l’article 57 de la loi Grenelle II (2011)
Cette mesure, prise en application de l’article 57 de la loi « Grenelle II », rend obligatoire, lors de la conception du bâtiment, l’installation de des fourreaux, des chemins de câble ou des conduits sont installés à partir du tableau général basse tension de façon à pouvoir desservir au moins 10 % des places destinées aux véhicules automobiles, avec un minimum d'une place.
On
notera bien qu’il ne s’agit pas de rendre obligatoire la mise en place de
bornes de recharges, mais de rendre équipables les parc de stationnements. Elle ne s’applique qu’aux bâtiments à usage de bureaux ou
d’habitation de plus de deux logements et prévoyant un parking clos et
couverts (d’accès réservé aux habitants ou salariés).
De plus, ce décret
définit également la notion de « droit à la prise ». C’est à dire que
désormais, tout locataire ou propriétaire résidant dans un immeuble collectif
dispose d’un « droit à la prise » lui permettant d’installer à ses frais une
infrastructure de recharge pour son véhicule électrique. Le syndic a
l’obligation d’inscrire à l’ordre du jour une demande d’installation de borne
de recharge et ne peut s’opposer aux travaux sans motif légitime et sérieux.
L’installation doit intégrer un système de mesure permettant une facturation
individuelle des consommations.
Les appel à manifestation d’intérêt de l’ADEME (2011- en cours)
Les appel à manifestation d’intérêt de l’ADEME (2011- en cours)
En janvier 2011, dans le cadre du programme « véhicule du futur », l’ADEME lançait un appel à manifestation d’intérêt portant sur l’infrastructure de recharge. Cet appel vise à subventionner l’implantation de bornes de recharge . D’abord réservé à des collectivités pilotes, cet appel a ensuite été élargit en juillet 2012 aux grandes agglomérations. La dernière version en date de juillet 2014 s’adresse désormais à un grand nombre d’acteurs : « villes, agglomérations, groupements d’agglomérations, syndicats intercommunaux, EPA, départements, régions, etc. ». Les critères d’éligibilité sont notamment liés à la densité de points de charge (au moins un /3000 hab) et les coûts d’investissement (supérieur à 200 000 euros).
Arrêté du 20 février 2012 précisant les mesures du décret d’application (2012)
Cet arrêté, complète et précise le décret décrit plus haut. Désormais, tous les bâtiments neufs résidentiels ou de bureau équipés de places de stationnement individuelles couvertes ou d’accès sécurisé devront être dotés « des gaines techniques, câblages et dispositifs de sécurité nécessaires à l’alimentation d’une prise de recharge pour véhicule électrique ou hybride rechargeable et permettant un comptage individuel ». Le dispositif, installé à partir du tableau général basse tension, devra pouvoir « desservir au moins 10 % des places destinées aux véhicules automobiles, avec un minimum d’une place ».
Loi ALUR (dans l’attente des décrets d’applications)
Désormais, les bâtiment à usage industriel et à usage commercial et les cinémas sont également concernés par ces obligations de « pré-équipement ».
Loi du 4 août 2014 : abolition du privilège communal
Cette loi promulguée récemment permet à l’état ou à un opérateur dans lequel celui-ci à des parts, de déployer un réseau de bornes de recharges dès lors que cette implantation s’inscrit dans un projet d’envergure nationale (et en accord avec les acteurs locaux, bien entendu). Cette compétence était auparavant uniquement l’apanage des communes et collectivités locales. Cet article de loi ouvre la voie à la mise en œuvre d’un réseau à dimension nationale de bornes tel que le ministre du redressement productif l’avait annoncé en mai 2014.
Décret d’application la loi du 4 août 2014
Ce décret d’application précise les conditions pour l’entrée des opérateurs à « dimension nationale » dans le jeu de la mobilité électrique. Sans s’appesantir dans les détails de ce décret qui pourrait mériter un blog à lui seul, il est nécessaire de comprendre qu’il ne s’agira pas d’un opérateur unique mais bien de plusieurs opérateurs pouvant disposer de projets différents (en nombre, types, localisation de bornes, etc.) devant s’articuler avec les projets en cours sur le territoire que ceux-ci soient publics ou privés. Ces opérateurs ne bénéficieront pas de financements directs mais uniquement d’une approbation de l’état leur permettant d’être exonéré de la redevance usuellement perçue pour l’occupation de l’espace public (l’implantation de bornes de recharge sur l’espace public étant bien évidemment subordonné à l’accord de la collectivité concernée).
La mobilité électrique, un
bouleversement ?
En conclusion, il
semble que la montée en puissance de la mobilité électrique est désormais réellement
à l’ordre du jour. Cette montée en puissance impliquera des changements de
comportements. Pour autant, un véhicule individuel restant un véhicule
individuel quelque soit sa motorisation, cela ne constituera probablement pas
une « rupture » totale par rapport au paradigme de la mobilité actuelle.
En considérant le fait que l’appel de puissance du à une seule borne de
recharge ultra-rapide est de l’ordre de celui d’un immeuble, on est amené à
penser que, si bouleversement il y a, celui-ci est davantage à chercher du côté
des réseaux électriques et de leurs gestion que des comportements en mobilité.