29 décembre 2014

Stratégies de villes intelligentes : qui se cache derrière la smart city ?

L’exercice qui consiste à qualifier, ou non, une ville d’intelligente ne va pas de soi. Le croisement de trois facteurs semble expliquer ce basculement sémantique dans le monde de l’urbanisme : la révolution numérique, avec la diffusion massive d’internet et l’amélioration des systèmes informatiques, la nécessaire prise en compte du développement durable dans les modes de production et de gestion de la ville et la crise économique latente qui touche très fortement l’Etat et les collectivités territoriales. L’engouement pour le smart s’explique par le potentiel des nouvelles technologies à améliorer les performances des bâtiments et des services urbains (transports, eau, énergie, etc.) et donc à réduire substantiellement leurs coûts de gestion.

Le smart reste cependant trop souvent défini par les objets et les formes qu’il peut revêtir : capteurs et smart grids, compteurs intelligents, open data, etc. Or, il s’agit bien d’un nouveau jeu d’acteurs qui s’engage. On assiste en effet depuis plusieurs années à un repositionnement massif des grands acteurs économiques privés sur les problématiques d’aménagement urbain à travers la question du smart. On peut clairement l’observer chez les concessionnaires historiques et leurs pendants internationaux (EDF, GDF Suez, Veolia, E.on, etc.), les entreprises de promotion (Bouygues Immobilier, Vinci….) qui expérimentent ainsi des activités en amont et en aval de leurs métiers traditionnels, des opérateurs télécom (Orange, etc.), des équipementiers (Siemens, Schneider Electric, GE, etc.) ou des opérateurs du numériques (IBM, Google, Cisco System, etc.). Tous ces acteurs développent des modèles « clés en main » de gestion intelligente des services urbains (électricité, transports, etc.) voire de villes durables.

Non sans surprise, alors que la revendication des collectivités est grandissante sur la maitrise des investissements sur leurs réseaux, en particulier électriques, ces acteurs n’ont pas tardé à saisir l’opportunité de se repositionner vers de nouveaux marchés. Or, le modèle de smart-city développé par ces opérateurs économiques est une ville privée au service du secteur privé. Si l’on observe bien le discours qui se dégage des colloques et autres conférences sur la ville intelligente, les nouveaux opérateurs de la smart-city proposent in fine de nouveaux services à vendre aux particuliers et aux entreprises, grâce à la récolte et au traitement de données acquises via la maîtrise de l’intelligence des réseaux. Leur connaissance des services urbains, leur expertise technique en matière d’infrastructures et leur capacité à répondre à de nouveaux besoins sont certes des arguments objectifs pour améliorer la qualité des services assurés par les collectivités – dans un contexte de crise des finances publiques, ces préoccupations sont pleinement légitimes. Mais, dans cette forme de « néo-concessionarisme », il faudra garantir la préservation de l’intérêt général. Les collectivités locales doivent dès lors trouver les leviers pour garantir la juste utilisation des données informatiques (protéger les données du citoyen et éviter tout ciblage marketing) mais également assurer l’effective optimisation des coûts financiers de ces différents services. Les contrats qui découleront de la smart-city devront être préparés en amont, avec des élus et des services préalablement sensibilisés à ces risques potentiels.