4 février 2012

La tour, miroir de la crise ?

Une étude de Barclays Capital, parue le 10 janvier 2012, démontre avec force courbes et diagrammes une importante corrélation  entre la construction de tours de plus en plus hautes et l'apparition de crises économiques.

Tout aurait commencé en 1870, date à laquelle l'achèvement du siège de l'Equitable Life Assurance Society à New York, premier gratte-ciel du monde selon certains, en tout cas premier immeuble de bureaux équipé d'ascenseurs (43 m, soit à peine un IGH aujourd'hui), aurait annoncé la "Longue Dépression" qui toucha les Etats-Unis et l'Europe et l'Europe entre 1873 et 1879.
L'Equitable Life Assurance Building à New York

L'étude multiplie les exemples, les plus frappants étant sans doute le Chrysler Building (1930) et l'Empire State Building (1931), achevés juste après la crise 1929, ou encore le World Trade Center (1972-1973) et la Sears Tower de Chicago (1974), contemporains du premier choc pétrolier et de la fin du système financier de Bretton Woods. L'histoire continue avec les Petronas Towers (1997), qui annoncent la crise asiatique de la fin des années 90, et avec Burj Khalifa qui est devenue en 2008 (tiens, tiens...) la plus haute structure du monde et qui culmine aujourd'hui à 828 m.
Burj Khalifa en construction en 2007, à l'époque où elle s'appelait encore Burj Dubaï...
Barclays Capital tire la sonnette l'alarme pour la Chine, qui devrait voir le nombre de gratte-ciels sur son territoire presque doubler d'ici 2017.

L'explication avancée par la Barclays repose sur une "mauvaise allocation du capital" : une trop grande disponibilité du capital conduirait à un boom de la construction, avec des projets de plus en plus ambitieux - et dispendieux, suivi d'une correction économique. De là à ce que la banque parle de gaspillage, il n'y a qu'un pas...

L'utilisation massive d'un capital disponible (qu'il soit financier, humain ou matériel) pour se faire concurrence et construire des structures toujours plus hautes ne date pas d'hier et a déjà conduit à des crises. Dans un tout autre contexte, on peut évoquer les moai de l'île des Pâques et la course à celui qui aura la statue la plus haute à laquelle se sont livrés les chefs de l'île, contribuant certainement à sa déforestation massive et à l'effondrement de sa population.
Ensemble de moai sur l'île de Pâques


Dans notre monde globalisé, nous n'en sommes pas là et la construction des gratte-ciels ne saurait à elle seule conduire la Terre à sa ruine. Certes, mais cette question de la "bonne allocation" d'un capital somme toute limité mérite quand même d'être posée. Vaut-il mieux l'utiliser à construire à tout prix la tour la plus haute, dont seuls quelques uns tireront un bénéfice - principalement symbolique, ou à construire une ville globalement dense et accueillante, au bénéfice du plus grand nombre ?

Lire l'étude complète de Barclays Capital ici