Face aux doléances exprimées par les collectivités suite aux deux appels à projet, évoquées dans la première partie de ce billet, le défi que doit relever le label EcoQuartier est donc le suivant : comment concilier souplesse et exigence de qualité ? Pour résoudre cette équation, le ministère de tutelle a opté pour une démarche originale et hybride, scindée en plusieurs étapes. Dans un premier temps, les collectivités candidates sont invitées à signer une charte d'ordre générale ; elles s'engagent sur des objectifs dans un second temps ; enfin, l'atteinte de ceux-ci est validée pour aboutir à l'obtention du label proprement dit.
La signature de la charte est supposée montrer la détermination de la collectivité à appliquer les principes du développement durable dans son projet. Il semble toutefois qu'à l'heure actuelle, il soit difficile de renier de telles valeurs... La charte constitue donc d'une certaine manière un appât pour inciter les collectivités à s'inscrire dans une démarche de labellisation. Sa signature permet à la collectivité de bénéficier de l'aide de services déconcentrés de l'État ou de services para-publics (CSTB, ADEME, etc.) pour préparer l'étape suivante. Le contenu précis de la charte se décline selon 4 axes généraux. On appréciera les slogans accolés à chacun de ces axes qui, s'ils ne feraient pas forcément fantasmer un publicitaire, ont au moins le mérite de rendre le contenu plus accrocheur aux yeux d'un décideur politique :
/// Démarche et processus : "Faire du projet autrement"
/// Cadre de vie et usages : "Améliorer le quotidien"
/// Développement territorial : "Dynamiser le territoire"
/// Préservation des ressources et adaptation aux changements climatiques : "Répondre à l’urgence climatique et environnementale"
On retrouve ici, comme dans presque toutes les démarches d'aménagement durable, l'habituel triptyque social/économique/environnemental, plus un thème transversal "gouvernance". Ces axes ne sont d'ailleurs pas nouveaux : ils correspondent aux éléments de la grille d'évaluation de l'appel à projets de 2011.
L'étape suivante est l'admission à la démarche nationale. Pour cela, il n'est pas indispensable que le projet soit passé en phase de réalisation. Les éléments sur lesquels vont s'appuyer les experts composant le jury sont les orientations du projet et la programmation. La grille d'évaluation, dont les critères reprennent les différents objectifs déclinés sous les 4 axes de la charte, sera alors remplie avec les objectifs qualitatifs et quantitatifs du projet. Le jury d'experts est composé d'un expert local (services déconcentrés), d'un expert national (Ministère ou services para-publics) et d'un expert externe à la fonction publique. Leur seule obligation est qu'au moins l'un d'entre eux ait effectué une visite de terrain. On peut s'interroger sur la faiblesse de cette exigence : il semble que la volonté soit d'être peu sélectif lors de cette étape d'annonce des objectifs et de validation de l'accès à la démarche nationale. A noter que, outre le fait de pouvoir ensuite viser l'étape finale, cette première validation permettra à la collectivité d'utiliser le logo de la démarche nationale EcoQuartier.
La dernière étape pour l'obtention du label intervient approximativement à la moitié de la réalisation de l'opération (50% des espaces publics livrés et 30% des bâtiments). La collectivité remplit alors la même grille qu'à l'étape précédente, en remplaçant les objectifs par les résultats obtenus. Elle candidate ensuite devant une commission nationale dont la composition n'est pas encore précisée, mais dont on peut s'attendre à ce qu'y siègent des experts aux profils variés, issus des secteurs public, para-public et privé.
Il semble qu'à l'heure actuelle, les seuls projets aptes à candidater soient des projets encore en phase pré-opérationnelle. Toutefois, des procédures simplifiées et accélérées sont prévues pour les quartiers ayant déjà postulé aux appels à projets précédents. Les rapports du comité de préfiguration du label évoquaient par ailleurs l'hypothèse de décliner le label par phase (projet, chantier, vie du quartier). Il semble que cette idée n'ait pas été retenue.
La démarche telle que nous venons de la présenter appelle une inquiétude. En l'inscrivant dans un processus progressif avec un niveau de contrôle croissant des projets, le ministère de l'égalité des territoires et du logement cherche à susciter l'adhésion des collectivités. Ceci est tout à fait louable. Néanmoins, l'étape cruciale, celle où le quartier va réellement prendre (ou pas) le chemin d'un "quartier durable", se situe au niveau de l'admission à la démarche nationale. Pour cette seconde étape, le projet doit être suffisamment avancé et ses principes directeurs bien définis. Si les bases n'en sont pas correctement posées, il lui sera difficile d'acquérir sa dimension durable par la suite. Or, on l'a vu, cette étape pourrait constituer le "maillon faible" de la démarche. Si trop de projets sont admis à la démarche nationale, la commission nationale aura-t-elle le courage d'être très sélective pour la dernière étape ?
Paradoxalement, on ne peut pas être complètement sûr que le label EcoQuartier soit un véritable levier pour la mise en œuvre de projets d'écoquartiers. Ce n'est d'ailleurs peut-être pas là l'objectif véritable de ce label. Il s'agit avant tout pour les collectivités d'un outil de mise en réseau des pratiques et d'accès à une expertise spécifique. La multiplication des retours d'expérience et l'accompagnement proposé devraient ainsi permettre une progression qualitative des projets mais également inciter les décideurs hésitants ou réticents face aux exigences de durabilité de leurs projets.