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Agroparc de Montévrain. Crédit : EPA Marne |
Santé et aménagement, un lien tacite qui mérite d’être formalisé
Sans qu’ils l’aient nécessairement intégré consciemment ou formalisé, les aménageurs travaillent déjà quotidiennement sur la thématique de la santé publique, depuis la prise en compte désormais systématique des trois piliers du développement durable (et notamment le pilier social) dans les problématiques urbanistiques. Le thème mérite pourtant une réflexion plus structurée afin d’être plus précis et pertinent dans les réponses opérationnelles.
La santé, « un état complet de bien-être physique, mental et social »
Avant toute tentative d’explicitation du lien entre santé et aménagement, qu’est- ce-que la santé ? Un lieu commun la désigne comme un état d’absence de maladie ou d’infirmité. Pourtant, la santé ne se réduit pas à ce qu’elle n’est pas, il s’agit, comme l’exprime l’OMS en 1946 d’« un état complet de bien-être physique, mental et social ». Quarante ans plus tard l’OMS, à travers la Charte d’Ottawa sur la promotion de la santé, précise que « Pour parvenir à [cet état] l'individu, ou le groupe, doit pouvoir identifier et réaliser ses ambitions, satisfaire ses besoins et évoluer avec son milieu ou s'y adapter. La santé est donc perçue comme une ressource de la vie quotidienne, et non comme le but de la vie ». L’aménagement du cadre de vie est donc clairement identifiable comme un levier potentiel pour accéder à cet état de santé.
La pollution de l’air, l’arbre qui cache la forêt
Les pics de pollution et les problématiques de qualité de l’air sont des thématiques d’actualité, qui réduisent énormément le débat. Et si le lien entre aménagement et santé était finalement bien plus complexe et les leviers bien plus nombreux ?
Le lien santé et aménagement peut se décliner à 4 niveaux
La pollution est le niveau le plus évident sur lequel l’aménagement peut agir pour atteindre des conditions plus favorables à la santé. Cependant, les pollutions sont multiples, on compte certes la pollution de l’air, mais aussi les pollutions de l’eau, des sols … qui peuvent affecter le bien-être physique ou encore les pollutions visuelles, sonores, électromagnétiques … qui peuvent également troubler le bien-être physique, mental et social. Quelle que soit sa nature, la pollution est responsable de nombreuses pathologies, allergies, etc. que l’aménagement doit évidemment chercher à réduire.
Le second niveau est celui des risques, divisible en deux : les risques individuels (se casser une jambe sur un nid de poule, traverser la route et se faire écraser, etc. …) et les risques majeurs qui touchent des populations entières (inondations, accidents industriels, etc.). Dans les deux cas, l’aménagement peut intervenir positivement. Il peut réduire la probabilité d’occurrence d’un accident individuel en sécurisant les déplacements par exemple ou réduire la vulnérabilité d’un territoire par exemple, en maîtrisant l’imperméabilité des sols.
Le troisième niveau, moins évident peut-être, est celui des modes de vie. Ceux-ci influent beaucoup sur la santé. A titre d’exemple, si l’on est incité à travers des formes urbaines, un traitement de l’espace public spécifique peu propice aux circulations douces, à prendre sa voiture, on fera moins d’efforts physiques. Plus encore, peut-on parler d’une corrélation nette entre offre commerciale alimentaire saine de proximité et santé ? Ou encore, entre accès à l’emploi et santé ? Et pourquoi ne pas établir un lien entre confort thermique et santé ? L’injonction des réglementations thermiques à régler le thermostat à 19°C, comme si chaque individu avait la même sensibilité et le même usage de ses espaces, est-elle une bonne ou une mauvaise chose ?
Enfin, le dernier niveau, plus ténu, qui caractérise le lien entre santé et aménagement est celui du cadre de vie. Est-ce qu’un milieu plus agréable, plus reposant, en lien direct avec la nature a un impact bénéfique mesurable sur la santé ?
Certes, un protocole rigoureux « toutes choses égales par ailleurs » est impossible à mettre en place, tant les facteurs sont entremêlés. On ne peut donc pas fournir de preuves chiffrées pour chacun des niveaux du lien entre aménagement et santé. Cependant, l’expérience que chacun fait du bien-être ou du mal-être inspiré par les espaces que nous fréquentons suffit sans doute à se persuader de la corrélation et de l’existence d’un vrai levier entre les mains des urbanistes et des aménageurs sur les enjeux de santé.