24 avril 2015

La mobilité électrique : quel impact pour les aménageurs ?

Un impact fort sur les réseaux à grande échelle

Le développement massif de véhicules électriques impactera la courbe de charge nationale et en particulier la pointe. A l’échelle nationale, la commission de régulation énergétique estime qu’un parc d’un million de véhicule en recharge simultanée consomme entre 3000 et 6000 MW soit 2 à 4 réacteurs EPR. De même, on sait que les jours de grand froid, quand chacun rentre chez soi et allume son chauffage (bien souvent électrique) la demande électrique nationale explose ; si désormais avant d’allumer son chauffage, on branche sa voiture électrique, il y a fort à parier que la situation ne s’arrange pas.
Ces remarques prévalent tout autant à une échelle plus locale. Ainsi, selon une thèse de doctorat sur le sujet se focalisant sur le cas de la Corse, l’impact de la recharge dédiée aux véhicules électriques amènerait quasiment à impacter fortement la consommation électrique de l’ile entière, et ce, quelque soit les scénarios de comportement de charge. Certes, cette étude présente un taux de pénétration du véhicule électrique ambitieux mais adapté aux caractéristiques des trajets domicile-travail de l’ile (25 km de trajet moyen aller/retour et un marché du travail fortement polarisé par Ajaccio et Bastia).

Impacts sur le réseau corse de la recharge de véhicules électriques employés pour des trajets pendulaires, Ines,
(les scénarios A, B et C correspondent à des comportements de charge)
Un impact pour les aménageurs

Il est également intéressant de se pencher sur l’impact des infrastructures électriques à l’échelle des opérations d’aménagement et notamment du dimensionnement électrique. Outre les consommations en tant que telles, cette question revêt une importance particulière du fait que s’il s’avère nécessaire de réaliser un poste source EDF supplémentaire le coût de celui-ci sera à la charge de l’aménageur.
L’exemple de la ZAC Montaudran Aérospace à Toulouse est intéressant. A l’aide de la programmation de la ZAC, des exigences de stationnement du PLU, et de la réglementation actuelle concernant l’implantation de bornes de recharge électrique, on peut estimer les besoins en puissance dus au seul stationnement électrique à environ 3500 kVA alors que les besoins globaux de la ZAC estimés pour la même programmation sont de l’ordre de 28 000 kVA soit un besoin supplémentaire de l’ordre de 13%.

Il est à noter que cette ZAC à vocation à accueillir (et accueille déjà pour certains) des établissements de R&D particulièrement consommateur d’électricité comme l’espace Clément Ader qui contient un supercalculateur de Météo France. Si l’on refait le même exercice en ne considérant pas les bâtiments de R&D, on réalise que les besoins supplémentaires sont estimés à 38%.

Bien sûr, il ne s’agit que de places équipables, aucun coefficient de foisonnement n’a ainsi été considéré et de plus, la réglementation actuelle ne concerne que les seuls les parcs de stationnement clos et couverts  Néanmoins, ces places équipables doivent être inclues dans le dimensionnement électrique et les réglementations actuelles allant en faveur du développement du stationnement électrique, il s’agit d’un vrai point de vigilance à garder à l’esprit pour tout aménageur.

La mobilité électrique... pas sans smart grid ?

Comme les paragraphes précédents l’ont montré, le développement de la mobilité électrique va avoir un impact. Un impact majeur et indéniable sur les moyens de production, le réseau RTE, le réseau ERdF et le comportement des usagers. Il est évident que passer d’une dépendance au pétrole à une dépendance à l’uranium n’est pas pertinent. La mobilité électrique ne peut s’envisager sans développement massif des énergies renouvelables. Cela soulève moult problématiques parmi lesquels la gestion de la courbe de charge et de la pointe pour lesquelles les énergies renouvelables ne peuvent constituer une réponse à eux seuls. Face à ces enjeux, une gestion intelligente des réseaux alliant capacité de stockage, interconnexion, tarification incitative, etc. en bref un smart grid constitue un atout et probablement une solution naturelle.

Bonus : Le véhicule électrique : un véhicule propre ?

Selon la législation française, le véhicule propre est un véhicule consommant moins de 2L d’essence pour 100 km. Pour autant, le véhicule électrique est il un véhicule propre ? Le débat sur ce sujet étant souvent passionné, on laissera en juge de paix ce graphique comparant les émissions de CO2 suivant les mix énergétiques nationaux.

Emissions de CO2 selon le mode de motorisation en fonction du mix énergétique, ADEME