Qu’est-ce que la blockchain ?
La blockchain est un outil de stockage et de transfert
d’informations à coût minime, infalsifiable et sécurisé[1].
Ce système a également la particularité d’opérer de manière transparente
(chacun peut consulter l'ensemble des échanges, présents et passés) et sans
contrôle centralisé (la blockchain est fondée sur des échanges de pair-à-pair[2]).
En bref, « Imaginez un très grand cahier, que tout le
monde peut lire librement, gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire,
qui est impossible à effacer et indestructible. » explique Jean-Paul
Delahaye (mathématicien, informaticien et auteur).
Trois façons d’utiliser cet outil existent à ce jour :
• Les
applications pour le transfert d’actifs (utilisation monétaire, titres, votes,
actions, obligations… l’exemple le plus connu étant la monnaie virtuelle
Bitcoin ;
• Les
applications en tant que registre : la blockchain permet une meilleure
traçabilité des produits et des actifs.
• Les
« smart contracts » : ce sont des programmes autonomes qui exécutent
automatiquement les conditions et les termes d’un contrat, sans nécessiter
d’intervention humaine une fois activés.
Si vous souhaitez comprendre plus en détail comment cela
fonctionne, nous vous conseillons de lire cet article et visionner cette vidéo qui vulgarisent le procédé et vous permettront
de mieux comprendre la blockchain.
Quelles sont les
applications actuelles ?
Supprimer les
intermédiaires entre consommateurs et producteurs
![]() |
Transactive Grid - Brooklyn MicroGrid |
L’expérience la plus connues est, à ce jour, « Transactive
Grid ». Inauguré en 2016 dans les quartiers Park Slope et Gowanus à Brooklyn
dans l’état de New York, ce projet consiste à coupler un microgrid de transfert
d’énergie à un système de blockchain pour la rémunération directe entre
consommateurs et producteurs sans passer par une entité tierce. Ce système
s’appuie sur des « smart contracts » qui permettent l’échange d’électricité
et le paiement associé sans passer par un organisme de gestion. En d’autres
termes, le smart grid permet de connecter 5 maisons de producteurs d’énergie
électrique par panneaux photovoltaïques (également autoconsommateurs) pour revendre
le surplus à 5 foyers « consommateurs ».
Au sein de la ZAC Confluence à Lyon, un système similaire devrait
voir le jour afin d’échanger instantanément des crédits énergétiques via des compteurs
linky et des capteurs d’analyse des consommations/productions. Pour ce faire, des
taux d’utilisation de l’énergie locale seront attribués à chaque habitant, et
ceux-ci seront informés à intervalles réguliers de leur consommation en
fonction de la production locale. Les surplus d'énergie produits seront vendus
sans intermédiaire à des voisins.
Ces deux expériences partent de la volonté d’agir localement.
Même si physiquement l’électron sera toujours utilisé au plus proche de son
lieu de production, les contrats habituels de revente de l’énergie n’évoquent
pas à ce jour l’utilisation de l’énergie produite par une entité locale mais
font seulement état de la vente de surplus à un acheteur (qui lui, peut par
contre valoriser cette production d’énergie renouvelable). Ce système
relocalise la production et la consommation de l’énergie et supprime
l’intermédiaire assurant l’adéquation entre l’offre et la demande.
Le développement de la
mobilité électrique
La blockchain permet également de mettre en place une sorte
de « compte énergie » pour chaque propriétaire d’une installation de
production d’électricité. Ce compte stock virtuellement les électrons produits
et permet à son propriétaire de les utiliser ailleurs que sur le lieu de
production. Fini la recharge en libre accès dans les lieux publics ou lors de
vos déplacements en TGV !
![]() |
Schéma de principe - Sunchain |
Le programme Astre développé par la société Sunchain
envisage ce mécanisme en partant d’un constat simple : pour échanger des
kWh à travers le réseau de distribution d’électricité, il faut mesurer de façon
sûre et instantanée l’électricité solaire produite d’un côté et l’énergie
soutirée de l’autre. Par ailleurs, il est nécessaire de garantir la validité et
la sécurité de ces mesures, ainsi que les transactions financières associées. Le
modèle économique inclut également une rétribution au gestionnaire de réseau
pour l'usage des infrastructures de transport de l'électricité. La blockchain
s’y prête apparemment parfaitement.
Un autre exemple d’application est allemand : Blockcharge.
C’est un service dont l’objectif est de gérer et de facturer la recharge des
voitures électriques n’importe où et facilement.
Pour ce faire, chaque utilisateur est équipé d’un « smart
plug », à brancher sur n’importe quelle prise électrique et permettant
d’activer son contrat. Grâce au smart plug et une application smartphone,
l’utilisateur peut recharger sa voiture partout en payant l’électricité
consommée. Grâce à l’utilisation de la blockchain, les conditions et termes du
contrat, et donc les transactions, sont exécutés automatiquement. Les contrats
ne peuvent ainsi pas être falsifiés, ce qui sécurise l’ensemble des
transactions.
La blockchain est-elle vraiment utile pour la ville ?
Si de prime abord nous pouvons être enthousiaste par le
développement de ces nouvelles technologies permettant de décentraliser et
d’automatiser les systèmes d’échanges énergétiques, le processus à l’œuvre derrière
la blockchain impliquent un nombre de calculs et une capacité de stockage
toujours croissants. C’est donc un processus fortement consommateur d’énergie.
Une étude réalisée par Sebastiaan Deetman, chercheur en efficacité
énergétique de l’Université de Leiden aux Pays-Bas, publiée le 30 mars 2016, a montré
que la consommation énergétique du réseau Bitcoin (estimée en 2016 à 350 MW) est
en constante hausse. Il est estimé que sa consommation énergétique sera égale à
417 MW en janvier 2020 dans un scénario optimiste, et 14 000 MW (soit la
consommation du Danemark) dans le scénario pessimiste. Même si ces chiffres
sont à prendre avec précaution, il est à noter que la dématérialisation de
quelque chose aura toujours un coût énergétique (plus ou moins important). Reste
à savoir si le jeu en vaut la chandelle.
La transformation du consommateur en consom’acteur[3]
et la multiplication des producteurs EnR relève effectivement de l’intérêt
général, notamment pour l’optimisation énergétique, toutefois la blockchain
est-elle vraiment la solution idéale pour la ville en l’état actuel ?
Après tout, un syndicat de copropriété, une ASL, un
gestionnaire de réseau public, ou bien encore une collectivité semblent tout à
fait légitimes pour assurer la gestion des transactions entre usagers à l’échelle
locale. Quel intérêt a-t-on alors à supprimer ces intermédiaires ? Fait-on
à ce point peu confiance à ces acteurs qu’on veuille à tout prix s’en
affranchir ? Ce système présente-t-il un intérêt économique certain ?
Est-ce une solution réellement plus simple à mettre en œuvre (et à utiliser par
les usagers) ?
Dans sa configuration actuelle, la blockchain semble plus
relever du gadget pour les promoteurs soucieux de leur image que d’une réelle
plus-value à un projet éco-responsable. Cela n’enlève rien à la nécessité d’inventer
de nouveaux modèles de gestion, avec ou sans blockchain.
[1] Contrairement
aux bases de données plus classiques, la blockchain est "distribuée",
c'est-à-dire que différents exemplaires existent simultanément sur différents
ordinateurs, appelés "nœuds" du réseau, ce qui rend l’information
difficilement « piratable ».
[2] P2P ou
Peer to Peer, c’est-à-dire un processus informatique de transfert de données
tel que celui utilisé pour télécharger un film de manière illégale, par exemple.
[3] cf. le
site de la Commission de Régulation de l’Energie pour plus de
détail : http://www.smartgrids-cre.fr/index.php?p=consommacteur-definition